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Elanco & Proplan

5 avril 2024

USA : quand le H5N1 passe aux vaches laitières (et à l'humain)...

par Vincent Dedet

Temps de lecture  6 min

Cartographie des états des USA où des foyers d'infection par le H5N1 chez des vaches laitières ont été détectés (15 au total dans 6 états), au 4 avril 06 h 00 (USDA, 2024).
Cartographie des états des USA où des foyers d'infection par le H5N1 chez des vaches laitières ont été détectés (15 au total dans 6 états), au 4 avril 06 h 00 (USDA, 2024).
 

Le virus H5N1 du clade 2.3.4.4b n'en finit plus de faire parler de lui, mais cette fois-ci surtout de l'autre côté de l'Atlantique. Alors que l'épizootie dans l'avifaune semble se calmer en Europe (voir la carte ci-dessous), que la vaccination des palmipèdes semble permettre à la filière foie gras de respirer en France, ce sont des élevages bovins laitiers des États-Unis qui font la Une de l'actualité sanitaire.

Carte des cas d'infection à H5N1 en Europe au 28 mars dernier. Les points rouges correspondent aux foyers en élevages avicoles sur les 4 semaines précédentes, les carrés rouges ceux sur les oiseaux en captivité, les triangles bleus ceux sur l'avifaune ; les ronds/carrés/triangles gris correspondent aux foyers survenus sur les 11 mois précédents (FLI, 2024).

Baisse de lactation et anorexie

Après différents articles ambigus dans la presse locale des états concernés à propos d'une nouvelle maladie chez les vaches laitières, le ministère américain de l'Agriculture (USDA) a publié un communiqué de presse le 25 mars confirmant que des élevages de vaches laitières étaient infectés par le virus H5N1. Ce communiqué décrivait une affection provoquant « une baisse de la lactation, un manque d'appétit et d'autres symptômes chez des vaches laitières, principalement âgées, au Texas, au Kansas et au Nouveau-Mexique ».

Quels oiseaux ?

Une investigation était évidemment en cours (qui se poursuit), dont les premiers résultats sont en faveur d'un passage d'un virus influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) d'oiseaux morts sur l'exploitation du Texas aux vaches, sans que le communiqué d'indique si les oiseaux morts étaient nombreux ou non, ni leur espèce (par exemple chez les étourneaux), ni le mode de transmission supposé aux vaches (oiseaux morts dans l'aliment ? exposition respiratoire plutôt qu'alimentaire ?). De fait, le H5N1 est devenu enzootique dans l'avifaune aux USA (voir le bilan des autorités ici, avec plus de 9 200 cas depuis 2021), mais il n'y a eu qu'un foyer en élevage avicole sur le dernier mois (un élevage de 32 000 dindes dans le Dakota du sud). Les cas déclarés sur oiseaux sauvages du Texas concernent des pigeons, des merles et des quiscales.

Lait cru positif

Le communiqué initial de l'USDA signalait aussi que « des échantillons cliniques de lait non pasteurisé provenant de bovins malades et prélevés dans deux exploitations laitières du Kansas et une du Texas, ainsi qu'un écouvillon oropharyngé provenant d'une autre exploitation laitière du Texas, se sont révélés positifs à l'IAHP ». Dès le lendemain la présence du virus H5N1 était confirmée auprès de l'Organisation mondiale de la santé animale, qui précise qu'il s'agit d'un virus de la lignée Guangdong clade 2.3.4.4b, et qu'il y a « au moins une exploitation laitière du Kansas et au moins une autre du Texas » de concernées. L'USDA précise qu'il n'y a pas de risque sanitaire en lien avec la positivité du lait cru car d'une part, le lait des vaches malades n'est pas collecté et d'autre part, seul le commerce inter-États du lait pasteurisé est autorisé.

Un humain à conjonctivite

Le communiqué précisait aussi dès le 25 mars que le virus ne « présente pas les mutations indicatrices d'une adaptation à l'humain ». Le 1er avril, c'est le CDC (centre fédéral de contrôle des maladies infectieuses) qui annonce qu'une personne, employée dans l'un des élevages bovins laitiers texans déjà trouvé infecté par H5N1, avait été infectée par ce même virus. Cette personne a présenté une conjonctivite, alors « en cours de guérison » et sans aucun autre signe clinique. Cette personne a reçu un traitement antiviral (oseltamivir) et il lui a été recommandé de se mettre à l'isolement. Cet événement « ne change pas l'analyse du risque pour la santé publique, qui est faible », indiquait le CDC. La conjonctivite est plus en faveur d'une contamination indirecte (manuportée) ou aérienne qu'alimentaire (lait cru), mais le CDC n'indique pas d'éléments supplémentaires sur cet aspect. Le ministère texan de la santé, dans son propre communiqué, indiquait toutefois que la personne « avait un contact direct avec des bovins présumés infectés ».

15 foyers bovins dans 6 états

Mais revenons à nos bovinés car le 29 mars, l'USDA a publié un nouveau communiqué indiquant que, outre les deux élevages texans et deux du Kansas où le passage de H5N1 sur des vaches laitières a été confirmé, il y a aussi un élevage du Michigan qui est touché. Il « avait récemment reçu des vaches du Texas », ce qui laisse supposer une transmission entre bovins… L'USDA indique aussi que des résultats préliminaires positifs ont aussi été reçus d'élevages situés au Texas, au Nouveau-Mexique et en Idaho. Le 1er avril, le foyer dans un élevage laitier du Nouveau-Mexique est confirmé, mais aussi « cinq nouveaux foyers au Texas » (soit 7 au total). Est également confirmé le foyer du Michigan. Celui de l'Idaho a été officiellement confirmé le lendemain, ce qui fait un total de 12 foyers. Des prélèvements provenant d'autres exploitations du Kansas, Nouveau-Mexique, Texas et de l'Ohio étaient encore en cours d'analyse le 2 avril. Au 4 avril, il y avait au total 15 foyers, celui de l'Ohio ayant lui aussi été confirmé entre-temps (voir l'illustration principale).

Définition de cas suspects

Les services vétérinaires fédéraux (APHIS) ont publié en ligne des recommandations pour les praticiens bovins. Ainsi, une suspicion doit concerner des « exploitations laitières ou autres troupeaux de bovins avec un événement actif : les vaches doivent présenter des signes cliniques ; il peut y avoir des oiseaux, des chats ou d'autres mammifères morts ou malades ». Les bovins suspects présentent :

  • « une baisse soudaine de la consommation d'aliments, accompagnée d'une diminution de la rumination et de la motilité du rumen ;
  • par la suite, baisse marquée de la production laitière du troupeau. Les vaches les plus gravement touchées peuvent avoir un lait épaissi qui ressemble presque à du colostrum ou n'avoir pratiquement pas de lait ;
  • la plupart des rapports indiquent des fèces collantes à sèches chez les bovins affectés ».

Toutefois, les tests de diagnostics ne sont pas obligatoires (mais ils sont remboursables). Les prélèvements concerneront « un maximum de 20 mammifères (pas plus de deux échantillons par mammifère) [et par exploitation, il est mentionné mammifère car tout sujet mort, vache ou autre, peut être prélevé] et un nombre illimité d'oiseaux par établissement. En cas de lactation, un échantillon doit concerner le lait ou le tissu mammaire ». Sur les bovins malades, le prélèvement est un écouvillon nasal, plus un échantillon de lait si applicable. Des prises de sang pour analyses sérologiques sont réalisables si un élevage a présenté des signes compatibles avec cette infection dans les trois derniers mois, mais ne présente plus de bovins malades.

Surveillance et prudence

Pour ce qui est des mesures de gestion, l'agence des services vétérinaires étatsuniens « conseille aux vétérinaires et aux producteurs de pratiquer une bonne biosécurité, de tester les animaux avant les déplacements nécessaires, de réduire au minimum les déplacements d'animaux et d'isoler les bovins malades du troupeau. Parmi les exploitations laitières dont les troupeaux ont présenté des signes cliniques, les animaux affectés se sont rétablis après avoir été isolés, avec peu ou pas de mortalité associée ». Enfin, « en raison du peu d'informations disponibles sur la transmission de l'IAHP par le lait cru, la FDA recommande à la filière de ne pas fabriquer ou vendre de lait cru ou de produits fromagers à base de lait cru/non pasteurisé avec du lait provenant de vaches présentant des symptômes de maladie, y compris celles infectées par la grippe aviaire ou exposées à des vaches infectées par la grippe aviaire ».